Ce fut lors d'une  journée pluvieuse qu'Alienor vit difficilement le jour, dans une vaste demeure, près de la Forêt Noire. Dame sa mère survécu, mais affaiblit, et différente à tout jamais. De la jeune femme joyeuse qu'elle était, elle devint triste et silencieuse, et Alienor ne se souvint pas l'avoir vu ne serait-ce qu'esquisser un sourire dans toute sa jeunesse. Elle ne lui parlait guère souvent et, si elle fut éduquée en compagnie des autres enfants du couple seigneurale, jamais elle ne fut traitée de la même manière. Toujours, une différence s'était instaurée, et elle était davantage considérée comme une servante plutôt que comme une véritable dame. Elle était différente, toutes les fibres de son corps le lui criaient sans jamais discontinuer. Quelque chose ne tournait pas rond avec elle. Alors que ses deux soeurs passaient leur temps à coudre et à discuter, Alienor préférait parcourir les bois de la forêt voisine, s'aventurer toujours plus loin. La prudence lui était inconnue, déjà à cette époque. Rien n'aurait su la retenir, et encore moins sa prétendue condition de dame. Elle était sauvage, animale, même avant d'avoir atteint une dizaine d'années. Mais vers l'âge de douze ans, un autre sentiment rejoignit cette fougue. La colère, envenimée par cette sentation obsédante de rejet. 

 

 

Brisant la solitude monotone qui s'emparait d'elle, quelque chose semblait l'appeler, un peu plus au fil du temps. Des rêves étranges ponctuaient continuellement ses nuits, et y échapper devint totalement impossible. Des rêves... Plutôt un rêve. Toujours le même. Elle errait, seule, dans la nuit. En haut, la pleine lune régnait dans le ciel étoilé. L'appréhension grandissait lentement en elle, se nourrissant de ses sentiments, de ce qu'elle était. Alienor avait peur. Ses réactions devenaient plus vîolentes, et elle ne prenait désormais plus la peine de dissimuler sa rancoeur envers toutes les personnes qu'elle connaissait. Une partie d'elle restait préoccupée par cet irrésistible appel, qu'elle tentait vainement de faire taire. Auprès des arbres, elle s'oubliait elle-même, ne pensait plus à rien. Il n'y avait que là qu'elle se sentait véritablement libre, et non pas enfermée entre quatre murs, sans rien d'autre à regarder que la surface sombre des pierres. Elle n'avait pas à faire semblant de se préocupper de ce que disait les autres autour d'elle. Ces discussions, elle les connaissait par coeur. Et les réprimandes aussi. Elle se tenait mal, elle n'aurait jamais de mari, elle serait toujours un poids pour la famille, elle n'était qu'une bâtarde sans envergure. Seule, elle n'avait pas à subir cela. Alienor le savait parfaitement, elle ne serait jamais comme ses soeurs. Jamais une belle jeune fille naïve, sensible et douce. Non. Et elle ne voulait pas l'être.